A l’initiative de la revue Actuel Marx. La double crise, économique et écologique, qui secoue aujourd’hui le monde, est-elle seulement un nouveau maillon dans la longue chaîne des craquements qui jalonnent l’histoire du capitalisme moderne ? Ouvre-t-elle une nouvelle ère ? Les révoltes sont-elles au rendez-vous que le marxisme avait fixé à la révolution ? Comment l’utopie, prise en positif, dans sa créativité subversive, sociale, politique et culturelle, peut-elle devenir réalité ?
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Dans Théorie générale (PUF, 1999), j’ai introduit le concept d’ « Etat-monde », qui ne signifie pas « Etat mondial » (World State), mais s’interprète généalogiquement à partir d’ « Etat-nation ». Il ne désigne ni un projet, ni une utopie, ni une idée régulatrice, mais un état de fait en gestation, un terme de la « modernité » : une étaticité de classe, rampante, à l’échelle ultime, imbriquée dans un Système-monde. Cette hypothèse est appelée à s’expliquer et à se développer face aux controverses qu’elle ne peut manquer de susciter.
Le « renversement » du nomos de la terre qui succède maintenant à la décolonisation (avec le déplacement des « centres » ou régions motrices de l’accumulation du capital, et de son modèle dominant, vers les anciennes « semi-périphéries » : avant tout la Chine, secondairement l’Inde et le Brésil) conduit non pas sans doute à une transformation de l’Europe en une nouvelle zone sous-développée, mais en un champ clos entre forces antagonistes dans la concurrence mondiale, donc virtuellement à un éclatement de la construction politique européenne, pour en rien dire de son « modèle social », sauf très improbable initiative politique « communautaire » impulsée d’en bas…. Rien de plus éloigné, bien sûr, des perspectives d’un « Etat mondial », plus utopique que jamais. Tout ceci naturellement est lié à l’idée que le marxisme et le post-marxisme s’obnubilent sur des schèmes d’évolution temporelle, au lieu de prendre en compte l’espace, la géographie, la géopolitique et la géo-économie…