Le lien entre Beethoven et le fantastique est ténu. Mais la postérité a donné au Trio en ré majeur de l’opus 70 le nom « des esprits » ou « des fantômes », parce que le thème du largo du trio devait être retenu pour la scène de sorcières du Macbeth de H. J. Collin d’après Shakespeare. Beckett prend littéralement cette appellation en faisant se rencontrer dans un lieu sans consistance tous les fantômes de son œuvre, qui évoquent ceux des Contes d’Hoffmann. Or ce même Hoffmann, musicien, peintre et poète, est le premier à avoir appliqué le terme de « romantique » à la musique de Beethoven, dans un compte rendu de la 5e symphonie, qui précède de quelques années celui des trios de l’opus 70. On cherchera à retrouver le lien entre plusieurs fils qui se présentent de manière dispersée autour de la notion de fantastique : non seulement le retour des esprits, mais la puissance créatrice de l’imagination, la fantaisie comme bouleversement des formes et des genres, l’accomplissement romantique de l’art dans la musique. Si le fantastique semble appartenir plus à la littérature, à la peinture, au cinéma qu’à la musique, c’est pourtant, comme le dit Beckett, « la musique qui l’emporte ».